J’ai déjà parlé ici des textes d’Alex Cousseau pour Murdo, illustré par Éva Offredo aux éditions du Seuil jeunesse et pour Les Frères Zzli, illustré par Anne-Lise Boutin aux éditions Les Fourmis rouges. C’est un auteur prolifique pour la jeunesse depuis une vingtaine d’années. Il a écrit de nombreux romans jeunesse ou pour adolescents, dont Les trois Vies d’Antoine Anacharsis aux éditions du Rouergue, et plusieurs albums avec différents illustrateurs et diverses maisons. Je suis très sensible à son écriture poétique et drôle, empreinte d’une grande fantaisie.

Janik Coat est autrice et illustratrice d’albums jeunesse depuis de nombreuses années avec différents éditeurs et des personnages parfois récurrents comme l’hippopotame Popov aux éditions MeMo ou l’ours Bernie chez hélium, développant son attrait pour les animaux parfois imposants. Ses illustrations sont principalement vectorielles dans une esthétique géométrique, précise et colorée avec de grands aplats vifs. Elle développe beaucoup d’humour dans ses narrations et illustrations.

Après Olive et Léandre et Slip, voilà le troisième album réalisé ensemble par ces deux auteurs aux éditions Les Fourmis rouges. Nous sommes ici embarqués dans la vie d’Iggy, un lévrier afghan aussi grand que fort poilu, telle que racontée par son maître, Duc, un chat noir. Le portrait du chien nous est dressé par petites touches, comme autant de moments de son quotidien tous plus amusants les uns que les autres. C’est qu’il a ses habitudes, ses manies et obsessions qui le rendent très drôle et attachant. Chaque double-page présente un moment marquant, anodin ou cocasse dans la journée de l’animal, avec souvent le chat scrutateur, mi-attendri mi-amusé selon le ton du texte dont il est le narrateur participant. Si, par le jeu d’illustrations mis en place, l’œil du lecteur est attiré par le chien, le chat est presque toujours présent, alangui et égayé.

Un tel couple chat et chien est plutôt fréquent dans les albums jeunesse mais son traitement ici est totalement réjouissant. Aucun humain n’est présent dans l’album, dont l’action prend place dans la maison des deux compères puis à l’extérieur, sauf les pieds de certaines personnes dans la rue dont les lacets des chaussures attirent follement Iggy. Duc se présente d’ailleurs lui-même comme le maitre du chien mais peut-être que ce n’est que le rôle qu’il se donne. En tout cas, ils semblent amis et forment un duo détonant comme Iggy Pop et David Bowie dont ils empruntent les surnoms, ou peut-être comme le duo d’auteurs eux-mêmes ici à l’œuvre. Si les deux sont très différents, l’on sent toute l’amitié et la tendresse du chat pour le chien dont il nous dresse le portrait. Plutôt qu’un monde très quotidien mais sans humains, il est peut-être question de l’organisation du monde dans la journée, pendant que les adultes travaillent et que les enfants sont à l’école. C’est que l’on peut se demander ce que font les animaux de compagnie en notre absence. Avec tout l’art du bon mot et la fantaisie des auteurs, cela devient particulièrement amusant et malicieux mais aussi très tendre.

Si l’univers graphique de Janik Coat est bien connu en librairie jeunesse, ce qui frappe de prime abord rien qu’à la couverture de cet album, c’est qu’on ne reconnaît absolument pas cet univers familier. Elle est distinguée pour son travail numérique, net et coloré et l’on voit ici de prime abord un chien très visiblement dessiné au crayon avec cette technique volontairement très apparente. L’on peut alors tout de même se rappeler son bel album Baisers polaires, sorti en 2020 aux éditions Albin Michel jeunesse où elle explorait déjà le dessin au crayon. Iggy est-il parti d’un texte d’Alex Cousseau permettant à Janik Coat de développer ses illustrations à la main ou l’inverse ? En tout cas, s’en dégage autant d’humour que de liberté exprimée tant par les mots que par le trait.

Les illustrations sont donc principalement réalisées avec des crayons noirs aux traits de diverses largeurs ressortant sur le fond blanc de la page. Quelques touches de couleurs au crayon toujours viennent accentuer des éléments de décor et attirer l’œil du lecteur. L’on peut penser à Kitty Crowther dans cet usage très visible et assumé du crayon pour en développer toute la richesse mais également aux illustrations de Saul Steinberg dans son usage des lignes, bien que les siennes soient à la plume.

Ici, tout l’humour vient du rapport entre le texte et les images, de la représentation telle qu’accolée au texte, lié à la technique d’illustration développée par Janik Coat. Dès la couverture, l’on ne voit qu’Iggy dans un portrait en pied : son museau avec quelques détails puis surtout de larges traits aux crayons bien distincts représentant ses longs poils au vent. Le pelage du chien devient un prétexte graphique particulièrement malin à de nombreux traits d’humour absurde ou de situation. C’est que le lévrier afghan se fond dans tous les décors ou bien cherche ceux où il disparaît. Ainsi, par tout l’art de l’illustratrice et de quelques-uns de ses coups de crayons, quelques lignes de poils ressemblent tantôt à un tapis, à de la pluie battante, à un saule pleureur, à un plat de spaghettis ou même à la vitesse alors que le chien court derrière un balle. Tout au long de la journée, tout autour de lui ressemble à Iggy, ou bien Iggy ressemble à tout, selon la façon dont on le voit. Est-ce alors un sens esthétique inné qui l’amène vers ce qui lui ressemble ou son propre art du camouflage, tel un caméléon, qui lui permet de se fondre dans tous les décors ? Quoi qu’il en soit, les scènes qui en résultent sont toutes aussi délicieuses les unes que les autres.

Iggy, Alex Cousseau & Janik Coat, éd. Les Fourmis rouges, 14,80 euros, à partir de 4 ans.

Pour écouter l’émission Écoute ! Il y a un éléphant dans le jardin où cette chronique a été diffusée (vers 66 min environ).

Pour plus d’informations sur Alex Cousseau, Janik Coat et sur les éditions Les Fourmis rouges.

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